Ta voix murmurait,
Tranquille et sûre,
Comme un vieux disque qu'on écoute,
Un verre de whisky à la main.
Sous la véranda on s'installe,
Dans un bruit feutré de sandales,
Devant un parterre de fleurs,
Le quinze juillet
À cinq heures.
Le vent s'épuise
Sur la remise,
Où mon piano s'endort enfin,
Après une nuit de chagrin.
Sous le parasol du feuillage,
Le vent feuillette page à page
Le livre de notre bonheur,
Le quinze juillet
À cinq heures.
Dans la maison de Frédéric,
Tu as classé quelques bouquins,
Tu as disposé quelques fleurs,
Cueillies fraîches de ce matin,
À ta main une cigarette grésille,
On mange du melon,
Hormis la chanson des frelons
Nous n'avons plus rien dans la tête.
Dans la maison de Frédéric,
Éblouis comme deux enfants,
Tu me parles d'anciens amants,
Moi, de mes maîtresses d'avant,
Tu croques du raisin bien tendre,
Des grappes lourdes couleur d'or.
Je ferai du café tout à l'heure,
Le quinze juillet
À cinq heures.
Presque irréelle,
Tu es si belle,
Entre mes cils tu apparais
Comme une dame d'il y a longtemps,
Que j'ai aimée ailleurs peut-être.
Il faut que j'écrive une lettre
Comme un vieil ami qui se meure,
Le quinze juillet
À cinq heures.
Demain c'est triste,
La vie d'artiste ;
On reprendra la vie d'avant,
L'appartement où l'on s'ennuie.
On invitera Frédéric,
Mes frères, tes surs,
Toute la clique.
Il ne restera qu'une odeur
Du quinze juillet
À cinq heures.