Vous m'avez dit: "À Paris, jeune pâtre,
Viens, suis-nous, cède à tes nobles penchants
Notre or, nos soins, l'étude, le théâtre,

T'auront bientôt fait oublier les champs"
Je suis venu, mais voyez mon visage
Sous tant de feux mon printemps s'est fané
Ah! rendez-moi, rendez-moi mon village
Et la montagne où je suis né !

La fièvre court, triste et froide, en mes veines
À vos désirs cependant j'obéis.
Ces bals charmants où les femmes sont reines
J'y meurs, hélas ! J'ai le mal du pays.
En vain l'étude a poli mon langage,
Vos arts en vain ont ébloui mes yeux
Ah ! rendez-moi, rendez-moi mon village,
Et ses dimanches si joyeux !

Avec raison vous méprisez nos veilles,
Nos vieux récits et nos chants si grossiers.
De la féerie égalant les merveilles,
Votre opéra confondrait nos sorciers.
Au Saint des saints le ciel, rendant hommage,
De vos concerts doit emprunter les sons.
Ah ! rendez-moi, rendez-moi mon village,
Et sa veillée et ses chansons !

Nos toits obscurs, notre église qui croule,
M'ont à moi-même inspiré des dédains.
Des monuments j'admire ici la foule,
Surtout ce Louvre et ces pompeux jardins
Palais magique, on dirait un mirage
Que le soleil colore à son coucher.
Ah ! rendez-moi, rendez-moi mon village,
Et ses chaumes et son clocher !

Convertissez le sauvage idolâtre
Près de mourir, il retourne à ses Dieux.
Là-bas, mon chien m'attend auprès de l'âtre,
Ma mère en pleurs repense à nos adieux.
J'ai vu cent fois l'avalanche et l'orage,
L'ours et les loups fondre sur mes brebis
Ah ! rendez-moi, rendez-moi mon village,
Et la houlette et le pain bis !

Qu'entends-je, ô ciel ! pour moi remplis d'alarmes
"Pars, dites-vous, demain pars au réveil,
C'est l'air natal qui séchera tes larmes
Va refleurir à ton premier soleil"
Adieu Paris, doux et brillant rivage,
Où l'étranger reste comme enchaîné.
Ah ! je revois, je revois mon village,
Et la montagne où je suis né !

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