Ayant perdu son cœur, un jour,
Le roi a fait battre alentour tambour
Disant qu'il récompenserait
Celui qui le rapporterait
Alors, une dame du palais
Lui porta le cœur d'un poulet
Non non non, lui dit le roi
Mon cœur n'est pas si petit que ça
Non non non, lui dit le roi
Non, ce cœur-là n'est pas à moi
Le grand ministre du Trésor
Sans doute pour toucher encore plus d'or
Lorsque chacun était couché
S'en est allé chez le boucher
Et puis au roi, sur un plateau,
Il montra le cœur d'un taureau
Non non non, lui dit le roi
Mon cœur n'est pas aussi gros que ça
Non non non, lui dit le roi
Non, ce cœur-là n'est pas à moi
Le capitaine des gardes à cheval
Afin de passer général sans mal
Pendant deux jours courut les bois
Quand j' dis deux jours, c'est p't-être bien trois
Il revint, pliant le genou,
Offrir au roi le cœur d'un loup
Non non non, lui dit le roi
Mon cœur n'est pas aussi dur que ça
Non non non, lui dit le roi
Non, ce cœur-là n'est pas à moi
Suzon, la fille du sonneur
Trouva, près d'un rosier en fleurs, un cœur
Elle vint demander le roi
Dans son palais en désarroi
Et dit avec le cœur en main :
Je l'ai trouvé dans mon jardin
En effet, lui dit le roi
C'est bien mon cœur mais comme j'ai peur
Qu'il ne m'aille plus très bien
Tu devrais me donner le tien
Alors, la fille du sonneur
Au roi tendit avec ferveur son cœur
Il s'écria : Mettons alors
L'un et l'autre en un coffret d'or
Et les deux cœurs mis en commun
Au lendemain n'en faisaient qu'un
Quand Suzon l'apprit au roi
Il dit : Ma foi, n'en aie pas d'émoi
Car d'avoir un cœur pour deux
C'est le secret pour être heureux